Ce mot semble apparaître au début du XIXe, nous avons déjà un exemple chez Pierre Blanchard un éducateur qui se lance dans l’édition sous la Révolution. Dans son livre Les accidents des enfans (c. 1817), le premier exemple est celui d’un enfant surnommé “Touche-à-Tout” qui tombe d’une chaise en voulant attraper un objet trop haut pour lui. L’auteur revendiquait un but éducatif: la mise en garde des enfants contre ce que nous appelons aujourd’hui les accidents domestiques. Cet ouvrage, l’un des premiers de la littérature “pour la jeunesse”, sera suivi d’une foule d’autres du même type décrivant l’enfant “turbulent” faisant des bêtises. De nombreux auteurs et illustrateurs œuvreront pour ce genre : La comtesse de Ségur, Bertall, Trim pour les plus prolifiques, d’illustres comme Balzac, et surtout d’obscurs ou inconnus pour la littérature illustrée et l’imagerie d’Épinal.
Le touche-à-tout au sens propre
Dans tous ces exemples, l’enfant est un impulsif qui agit sans réfléchir, un hyperactif qui court et grimpe de partout. L’agitation est donc la caractéristique principale du personnage, et le “Touche-à-tout” est donc considéré au sens propre. C’est la représentation emblématique de l’enfant atteint de ce que nous nommons aujourd’hui une hyperactivité, le plus souvent manifestation d’un TDAH (Trouble déficit de l’attention / hyperactivité).
Pourtant le terme de touche-à-tout est de moins en moins utilisé pour ces enfants que l’on qualifiera successivement de turbulent, puis d’instable et d’hyperactif, au fur et à mesure que ce comportement, abordé au départ au plan éducatif, deviendra l’objet d’une prise en charge médico-psychologique; le défaut d’éducation n’est plus beaucoup évoqué devant ces enfants qui sortent de la norme du comportement, même lorsque celle-ci tend à devenir moins stricte qu’au XIXe siècle.
Un glissement de sens
Aujourd’hui, le sens du mot touche-à-tout a glissé pour faire référence à une personne qui, au mieux, s’intéresse à de multiples sujets, et au pire, car le sens est souvent péjoratif, s’éparpille dans ses diverses activités. Cela sous-entend qu’il ne peut choisir ou maintenir son intérêt sur une activité, mais papillonne de l’une à l’autre sans rien approfondir.
Il est tout à fait intéressant de constater que ce glissement de sens du mot Touche-à-tout est comparable au changement de regard de la médecine sur les enfants hyperactifs. Les enfants atteints d’hyperactivité sont moins pris en charge en raison de leur agitation, qu’en raison de leur difficultés d’attention, en particulier de leur difficulté à fixer leur esprit de manière efficace sur une tâche ou une occupation. L’hyperactivité est maintenant considérée comme un comportement dérangeant, mais pas réellement délétère ; au contraire le déficit d’attention, impliquant la difficulté à se concentrer sur une activité, est réellement handicapant pour la scolarité et la vie sociale.